RAPPORT

 

 

RAPPORT SUR TROIS MOYENS DE FORCE INTERMÉDIAIRE

rapport flash ball

Les trois armes intermédiaires dont parle le rapport sont :

– le pistolet à impulsions électriques de type Taser x26,

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le Flash-Ball superpro,

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et le lanceur de balles de défense 40×46.

lanceur balles

Les Taser et les Flash-Ball ont beau être des « armes non-létales« , selon leurs fabricants, ils n’en restent pas moins des armes, dont l’usage est désormais courant chez les policiers et les gendarmes. Pour la première fois, le défenseur des droits a donc décidé de consacrer un rapport général sur ces « moyens de force intermédiaire », rendu public mardi 28 mai. « Le recours à ces armes, assimilé à l’usage de la force, est soumis à une exigence de stricte nécessité et proportionnalité », rappelle le défenseur, qui est régulièrement saisi d’abus, de mauvaises utilisations et de dérapages.

La liste est édifiante, et ne relève pas toujours de dérives individuelles. Certes, ce policier qui a utilisé le Taser, pistolet à impulsion électrique, en mode contact – il a alors un effet paralysant localisé puissant – n’a pas été tout à fait franc lorsqu’il a évoqué l' »attitude hostile » de la personne qu’il souhaitait interpeller. « L’attitude hostile de la personne s’était en réalité manifestée par le fait de relever ses couvertures et de s’asseoir sur son lit », note malicieusement le rapport.

Mais, de manière plus générale, le texte dénonce le développement d’un usage de confort des Taser en mode contact pour faciliter des interpellations et des menottages. Chez les gendarmes, le nombre d’utilisations dans ce cadre est passé de 223 à 360 entre 2009 et 2012, et chez les policiers, de 161 à 229 entre 2010 et 2012. Le ministère de l’intérieur les encourage : il estime l’utilisation du Taser « moins dangereuse pour l’intégrité physique de la personne qu’une intervention physique des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie ».

DES « RECOURS IRRÉGULIERS OU DISPROPORTIONNÉS

Dans l’un des cas cités, le Taser a été utilisé par un gendarme pour permettre d’entraver les jambes d’un homme… déjà menotté et touché par trois tirs. Le tout sous le regard passif de cinq militaires et d’un policier municipal, qui auraient pu, plutôt, « contribuer à la maîtrise de la personne », note le défenseur.

Dans le cadre des interpellations, l’arme continue à être utilisée pour calmer des individus agités, sous l’influence de l’alcool ou de la drogue, alors que ces états « sont susceptibles de réduire, voire annihiler, les effets (…) ou encore de décupler l’état d’énervement de la personne qui en fait l’objet ». Le défenseur insiste donc sur un « strict encadrement de l’utilisation du Taser » : « Le fait de recevoir une forte décharge d’électricité conduit à une douleur localisée très intense, ainsi qu’à un traumatisme psychologique et une atteinte à la dignité humaine. »

Le défenseur dénonce également les « recours irréguliers ou disproportionnés » aux lanceurs de balles de défense – le Flash-Ball –, qui permet de « riposter instantanément à une agression », et le LBD, une « arme de neutralisation », qui réclame un tir plus cadré. Leur usage est essentiellement policier, et il augmente : 2 573 munitions tirées en 2012, contre 2 224 en 2010.

Les gendarmes le réservent aux stricts cas de légitime défense. Pas toujours très stricts, d’ailleurs : en 2011, un enfant de 9 ans a été gravement blessé à l’œil à Mayotte. Le militaire, casqué et vêtu d’un gilet pare-balles, assure qu’il voulait protéger son camarade : le jeune garçon aurait voulu jeter une pierre. Le problème, c’est qu’il est le seul à avoir vu le danger – qui ne pesait pas lourd, 24 kg pour 1,35 m.

« DOMMAGES COLLATÉRAUX »

Le principal souci des lanceurs réside dans la difficulté de les utiliser en toute sécurité. Actuellement, les policiers et les gendarmes ne doivent pas viser au-dessus des épaules, et il est demandé aux seuls policiers d’éviter le « triangle génital », et aux seuls gendarmes de ne pas tirer dans la zone du cœur. Or, ces armes sont imprécises, notamment le Flash-Ball : dans le cas de Mayotte, l’expert a constaté un écart maximal de 34 cm du point visé, pour un tir de 11 m. Le LBD, réputé plus performant, pose des problèmes récurrents de réglages.

Le défenseur essaie de grignoter, petit bout par petit bout, leurs possibilités d’emploi. Il recommande ainsi de cumuler les interdictions de visée des policiers et des gendarmes, ce qui ne laisse plus grand chose à cibler au-dessus des genoux. Il souhaite proscrire leur usage lors des manifestations, vu le risque de « dommages collatéraux », et pour sécuriser les contrôles d’identité et les contrôles routiers, « notamment en raison de la distance à laquelle se situe le porteur de l’arme des personnes contrôlées, généralement inférieure à sept mètres ». Le défenseur cite, là encore, un exemple – un policier qui « trébuche » et tire « involontairement » dans la poitrine de la personne contrôlée, à deux à trois mètres de distance. Bilan : « de sévères contusions cardiaque et pulmonaire, nécessitant quinze jours d’hospitalisation, en réanimation puis en cardiologie ». Le policier avait ôté, préventivement, la sécurité.

Au fond, le défenseur se montrerait plutôt favorable à une interdiction de ces armes. Mais il doit se montrer pragmatique devant le refus des policiers de les remettre en cause. Un refus qui confine parfois à la mauvaise foi. Lorsqu’un jeune homme avait perdu son œil à la suite de tirs de Flash-Ball au jugé sur des manifestants, en 2009, le ministère de l’intérieur avait refusé d’envisager des sanctions disciplinaires. Il convenait de tenir compte des « spécificités de la Seine-Saint-Denis », jugeait alors la Place Beauvau.

Laurent Borredon

Article publié dans le journal Le Monde du 28 mai 2013.

—> Lire le Rapport.

—> Lire les recommandations du défenseur des droits sur ces trois armes intermédiaires (pages 50/51 du rapport).

—> Voir à ce propos un entretien avec Olivier Razac.