N’est-ce pas à mettre en relation avec la violence de l’incarcération, la détention avant jugement, les conditions déplorables de détention, etc. ?
Si le rapport conclut en affirmant la difficulté de conclure, nous pouvons donner quelques traits généraux.
Il est intéressant par exemple de noter que si l’intensité de la souffrance des personnes diminue au fur et à mesure de l’incarcération (pages 109 et suivantes), elle n’est pas en relation évidente avec le motif de l’incarcération (pages 131 et suivantes). En revanche, elle est directement liée à l’intensité de souffrance de l’entourage (pages 119 et suivantes).
Pour vous donner envie de lire plus en détail le rapport, voici reproduit ci-dessous un extrait sur « les facteurs atténuants et aggravants » de la souffrance psychique liée à la détention.
1. Conditions matérielles de détention
a. Facteurs atténuants
i . la douche dans la cellule
ii. les toilettes séparées
b. Facteurs aggravants
i . l’insalubrité
ii. l’enfermement 22 heures sur 24
iii. l’inactivité
iv. le bruit
v. le manque d’hygiène
2. Conditions « humaines de détention »
a. Facteurs atténuants
i . le rôle social dans la prison
ii. plus de liberté à Loos qu’à Sequedin
iii. aider les autres
iv. l’écoute par les soignants
v. la bonne entente avec le codétenu de cellule
vi . les promenades
vii. les rapports avec les surveillants
b. Facteurs aggravants
i . le manque de soutien social
ii. la perception négative du fonctionnement pénitentiaire
iii. le fait de ne pas vouloir être en contact avec les autres détenus
iv. la relation dominant/dominé-surveillant/détenu abusive
v. le sentiment d’indignité, d’humiliation
vi . les promenades qui peuvent être traumatisantes
vii. la confrontation quotidienne au monde de la délinquance
viii. la mauvaise entente avec le codétenu
ix. le racket
x. le regard péjoratif des détenus par rapport au motif de l’incarcération
3. Liens avec l’entourage extérieur
a. Facteurs atténuants
i . les courriers, les photos
ii. le support social ; familial, amical
iii. les parloirs
b. Facteurs aggravants
i . pas de nouvelles de l’extérieur
ii. le manque de soutien social
iii. ne pas pouvoir voir ses enfants
iv. la situation économique et sociale de l’entourage
v. le blocage des parloirs, du courrier par le juge
vi . la couverture médiatique
vii. l’idée de voir sa famille au parloir, dans les murs d’une prison
viii. la difficulté à expliquer la situation aux enfants
4. Activités
a. Facteurs atténuants
i . l’école
ii. l’atelier lecture quand celui là est accessible
iii. le sport, les activités
iv. les promenades
b. Facteurs aggravants
i . le manque d’accessibilité aux activités, au sport et la différence de traitement selon les détenus
5. Situation et évolution de l’affaire en justice
a. Facteurs atténuants
i . quand la justice commence à croire la version du sujet
ii. la date de sortie définie
b. Facteurs aggravants
i . la pression de la justice sur la famille
ii. pas de nouvelles de l’avocat, de la justice
iii. l’impression d’être oublié de la société
iv. la lenteur de la justice
v. le refus de permission
vi . le manque d’information de la justice, de l’administration pénitentiaire
vii. l’appel
viii. l’impossibilité d’être transféré en maison d’arrêt
ix. l’attente par rapport à la date de sortie
x. le blocage des parloirs, du courrier par le juge
xi . la couverture médiatique
6. Capacité /Difficulté à mobiliser des ressources personnelles
a. Facteurs atténuants
i . l’écriture
ii. l’évitement grâce aux pensées
iii. la religion
b. Facteurs aggravants
i . le fait de ne pas pouvoir assurer son rôle social (être parent, être
salarié, être un mari…)
ii. la culpabilité par rapport à la famille
iii. le changement de rythme par rapport à la vie à l’extérieur
iv. l’anticipation anxieuse de porter l’étiquette de « détenu » pour se réinsérer dans la société
v. le sentiment d’inutilité
7. Peur de la perte d’intégrité physique et psychique
a. Facteurs atténuants
i . le suivi effectif médico-psycho-social
b. Facteurs aggravants
i . la crainte pour la santé, la maladie
ii. la souffrance voire la mort d’un codétenu
iii. l’angoisse de l’inconnu chez le primo- incarcéré
iv. l’anticipation négative chez le re-écroué
v. l’impossibilité de se projeter dans l’avenir
vi . la douleur physique
vii. l’attente d’un suivi médico-psycho-social
Si cette étude semble parfois mettre en évidence des scandales dénoncés depuis bien longtemps, elle a à mon sens un indéniable mérite : celui de s’attacher non plus seulement aux conditions matérielles de détention mais aussi au ressenti des détenus. De même, il ne s’agit pas ici de traiter des troubles psychologiques des entrants en prison mais bien de la souffrance psychique que provoquent l’incarcération et la détention.