COMMUNIQUÉ

LA DÉCISION DU CONSEIL D’ÉTAT

CONCERNANT LE « MARCHÉ » DE LA RÉTENTION

Le ministre chargé de l’immigration avait engagé une procédure d’attribution d’un marché, divisé en huit lots, ayant pour objet la fourniture de prestations pour les étrangers placés en rétention administrative. Les articles L. 553-6 et R. 553-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoient en effet que les étrangers maintenus en rétention bénéficient d’actions d’accueil, d’information et de soutien pour permettre l’exercice effectif de leurs droits et préparer leur départ, et que ces différentes prestations peuvent être confiées, pour chaque centre de rétention, à une personne morale sélectionnée. Six associations se sont portées candidates. Le ministre a réparti entre elles les différents lots et les marchés correspondants à ces lots ont été signés.

Quatre associations ont alors demandé au juge des référés de suspendre l’exécution de ces marchés. Le juge des référés ayant fait droit à ces demandes, le ministre chargé de l’immigration et l’Association Collectif Respect, attributaire de l’un des lots, ont saisi le Conseil d’Etat en cassation. Constatant une irrégularité dans les mentions du jugement, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance contestée puis s’est prononcé à son tour, en tant que juge des référés, sur la demande de suspension de l’exécution de ces marchés.

Il a tout d’abord écarté les demandes de suspension formulées par trois associations qui ne s’étaient pas portées candidates, seuls les candidats évincés de l’attribution d’un marché étant recevables à en contester la validité. Il a ensuite examiné la demande de la quatrième association, la CIMADE, attributaire de trois lots mais candidate sur l’ensemble des huit lots du marché, donc recevable à contester les cinq lots pour lesquels elle n’avait pas été retenue.

Le Conseil d’Etat a d’abord rappelé qu’il résulte des dispositions des articles L. 553-6 et R. 553-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile d’une part, que la convention passée entre le ministre de l’immigration et les personnes morales sélectionnées doit porter non seulement sur l’information mais aussi sur l’accueil et le soutien des étrangers, pour permettre l’exercice effectif de leurs droits ; et d’autre part, que l’Etat ne peut conclure une telle convention qu’avec des personnes morales présentant des garanties d’indépendance et de compétences suffisantes, notamment sur le plan juridique et social, pour assurer le bon accomplissement de ces missions d’accueil, de soutien et d’information prévues par la loi.

S’agissant du lot n° 5, attribué à l’Association Collectif Respect, le Conseil d’Etat a estimé que deux moyens étaient, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la validité du contrat.

En premier lieu, le marché ne porterait que sur des prestations d’information et ne serait donc pas conforme aux dispositions du code, puisque ni les différentes pièces de l’avis d’appel public (cahier des clauses administratives générales, cahier des clauses techniques particulières), ni l’offre technique de l’association ne font apparaître de prestations d’accueil et de soutien.

En second lieu, l’association attributaire n’ayant fait valoir au soutien de sa candidature que deux missions ponctuelles dans le domaine considéré, n’employant pas de salariés et ne disposant que de moyens matériels et financiers très limités, elle ne justifierait pas des capacités techniques, professionnelles et financières, ni des garanties d’indépendance et de compétences lui permettant d’assurer l’exécution du marché.

Le Conseil d’Etat a par ailleurs estimé que la condition d’urgence était remplie, l’exécution du marché litigieux ne permettant pas de garantir que les étrangers en rétention seraient en mesure de pouvoir exercer effectivement leurs droits grâce à une aide et un soutien juridique spécifiques.

Pour ces différentes raisons, il a prononcé la suspension, en référé, de l’exécution du marché relatif à ce lot. En revanche, les différents moyens soulevés à l’encontre des autres lots ont été écartés et leur exécution n’a donc pas été suspendue.

Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 16 novembre 2009, n° 328826, 328974

COMMUNIQUÉ DE LA CIMADE

Dans ou hors des centres de rétention, La Cimade poursuivra son action auprès des étrangers

Le Conseil d’Etat vient d’annuler la décision du juge des référés du tribunal administratif de Paris qui avait, le 30 mai dernier, suspendu les contrats signés par le ministre de l’Immigration relatifs à la mission d’aide aux étrangers dans les centres de rétention administrative.

La Cimade regrette et s’étonne de cette décision qui semble traduire un revirement du Conseil d’Etat. Dans sa décision du 3 juin 2009, celui-ci avait souligné la nécessité d’une véritable mission d’aide à l’exercice des droits des étrangers placés en rétention et non de simple information. C’est pour cette raison essentielle que le tribunal administratif avait estimé que les marchés passés par le ministère de l’Immigration portaient atteinte aux droits des étrangers.

Le Conseil d’Etat reconnaît que l’appel d’offres passé par le ministère de l’Immigration ne prévoyait qu’une mission d’information et non de défense des droits. Au prix d’une contorsion juridique, il considère pourtant que les associations ont d’elles-mêmes compris ce qu’il fallait répondre à ce que le ministère ne demandait pas…

Si La Cimade prend acte de cette décision, elle réaffirme avec force ses objections et son inquiétude face à une réforme qui consacre l’éclatement d’une mission associative unique en Europe, éclatement qui rendra plus difficile l’accompagnement et la défense des étrangers retenus.

Cet éclatement en outre placera les différentes « personnes morales » dans une situation de concurrence absurde en matière de défense des droits de l’Homme. Il supprimera la vision nationale de la situation des migrants en instance d’expulsion et affaiblira le rôle fondamental de témoignage et de contrepoids de la société civile.

Avec ses partenaires associatifs, La Cimade poursuivra quoi qu’il advienne sa présence et son action pour le respect des droits et de la dignité des étrangers dans ou hors des centres de rétention.

COMMUNIQUÉ de :

Le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance de suspension de l’exécution du marché attribuant l’accueil, l’ information et le soutien aux étrangers placés en centre de rétention administrative à l’ASSFAM, à Forum réfugiés, à France terre d’asile, à l’Ordre de Malte France et à la Cimade.

Il a maintenu la suspension, en référé, de l’exécution du marché pour le lot n°5.
La décision du Conseil d’Etat est de nature à mettre fin, dans des délais proches, à la longue période d’incertitude qui avait contraint les associations retenues à l’issue de l’appel d’offre, à annuler, souvent avec de lourdes conséquences, le démarrage de leur mission initialement prévue le 2 juin 2009.

Confirmées dans leur légitimité et leur compétence, l’ASSFAM, Forum Réfugiés, France terre d’asile et l’Ordre de Malte France attendent maintenant la décision du gouvernement pour mettre en œuvre leur mission d’intervention auprès des personnes retenues.

Rappelons que cette mission consiste à accueillir, informer et soutenir les étrangers placés en rétention administrative dans l’exercice effectif de leurs droits. Les quatre associations, déjà réunies dans le comité de pilotage qu’elles avaient créé dès le printemps ont d’ores et déjà décidé de travailler immédiatement ensemble pour organiser leur indispensable coordination pour le bon exercice de cette mission. Elles appellent la Cimade à les rejoindre.

—> Pour mieux comprendre la situation lire  le billet du blog « Combat des droits de l’homme »

COMMUNIQUÉ

ministere-de-limmigration-etc

La commission d’appel d’offres (CAO) s’est réunie une première fois le 23 février 2009 pour vérifier la recevabilité formelle des offres. Elle s’est réunie une seconde fois, le 24 mars 2009, pour procéder à l’analyse de leur contenu. Au terme de cet examen, la CAO a proposé au ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, de retenir les offres économiquement les plus avantageuses suivantes :

• Lot 1 (Bordeaux, Nantes, Rennes, Toulouse et Hendaye) : Cimade
• Lot 2 (Lille 1 et 2, Metz, Geispolsheim) : Ordre de Malte
• Lot 3 (Lyon, Marseille et Nice) : Forum Réfugiés
• Lot 4 (Nîmes, Perpignan et Sète) : Cimade
• Lot 5 (Outre-Mer) : Collectif Respect
• Lot 6 (Mesnil-Amelot 1, 2 et 3) : Cimade
• Lot 7 (Palaiseau, Plaisir, Coquelles et Rouen-Oissel) : France Terre d’Asile
• Lot 8 (Bobigny et Paris) : ASSFAM

—> Télécharger le communiqué : Accompagnement des étrangers en situation irrégulière maintenus en rétention dans l’exercice de leurs droits : Eric BESSON publie le résultat de l’appel d’offres.

—> À suivre :  « Rétention administrative : Eric Besson s’attaque aux droits des étranger » par La Cimade :

Le ministère de l’Immigration vient de rendre publique la liste des «prestataires» qui seront à compter du 2 juin chargés de défendre les étrangers dans les centres de rétention.

Le ministère de l’Immigration a été au bout d’une logique contraire à la protection des étrangers : la décision d’aujourd’hui confirme le démantèlement de la mission d’accompagnement et de défense des droits des étrangers en la confiant à 6 associations différentes, éclatées en 8 lots, lancées dans une procédure qui les contraindra nécessairement à se poser en concurrentes les unes aux autres. Dans un tel dispositif, une chose est certaine : le rôle de contre-poids des ONG et la défense des droits des étrangers deviennent quasi-impossibles. C’étaient les objectifs poursuivis par Brice Hortefeux pour pouvoir atteindre ses quotas d’expulsion.

Malgré les propos apaisants qu’il tenait lors de sa prise de fonction, Eric Besson montre par sa décision aujourd’hui qu’il poursuit à l’identique la voie ouverte par son prédécesseur.

Afin d’apprécier la situation nouvelle créée par la décision du ministre, le Conseil de la Cimade se réunira de façon exceptionnelle ce week-end pour décider des suites éventuellement judiciaires à y donner.

MISE À JOUR, le 17 avril 2009 :

—> La Cimade conteste la décision du ministère.

Les décisions d’attributions du marché public relatif à la défense des droits des étrangers placés en centre de rétention administrative confirment la volonté du ministère de l’Immigration de mener à son terme l’entreprise de démantèlement de cette mission associative unique en Europe.

La Cimade a décidé de contester juridiquement cette réforme par la voie d’un référé pré-contractuel. Ce contentieux vise à annuler cette procédure d’appel d’offres qui ne peut que conduire à la quasi-impossibilité pour les étrangers d’exercer leurs droits en rétention, contrairement à ce que la loi prévoit.

Le choix du recours à l’appel d’offres, à la mise en concurrence de prestataires de service pour assurer une mission de défense des droits de l’Homme n’est pas neutre : au-delà de l’affaiblissement de la qualité de l’aide juridique apportée aux étrangers, de la disparition d’une vision et d’une analyse globale de la situation des centres de rétention administrative, les associations attributaires vont se trouver dans une complète dépendance vis-à-vis des pouvoirs publics.

Le bon accomplissement de cette mission de défense des droits génère nécessairement une position de tension constante voire d’opposition avec l’Administration qui met en œuvre les expulsions. Dans le cadre d’un renouvellement de ces marchés publics tous les ans, l’Administration privilégiera naturellement ceux qui font le moins obstacle à la réalisation de ses quotas d’expulsion.

Les décisions d’attributions rendues publiques vendredi 10 avril sont un premier exemple de cette logique à l’œuvre. Ainsi les résultats font apparaître que La Cimade est l’association qui recueille toujours la note la plus faible pour le critère de la « compréhension des enjeux ». Sans doute qu’après 25 ans de défense des étrangers en rétention, La Cimade n’a pas la même appréciation des « enjeux » de cette mission.

Dans un contexte européen marqué par une politique de plus en plus répressive à l’égard des étrangers, et alors que le Président de la République vient de demander au ministre de l’Immigration de transposer au plus vite la « directive de la honte » dans la législation nationale, la France semble s’engager dans un mouvement tendant à réduire les obstacles à la politique d’expulsion systématique : diminution des garanties juridiques par une volonté de « simplifier » le contentieux de la reconduite à la frontière, affaiblissement du rôle de contre-poids des ONG, signature d’accords de réadmission avec les pays d’origine ou de transit.

Quelle que soit l’issue des contentieux engagés, La Cimade est déterminée à poursuivre son action avec ses partenaires en France, en Europe comme dans les pays du Sud, pour défendre et construire une vision des mouvements de population qui sache respecter d’abord les droits et la dignité des personnes migrantes.

—> À lire sur le collectif RESPECT.