CIRCULAIRE
POUR LA MISE EN OEUVRE DES MESURES D’ÉLOIGNEMENT
DES ÉTRANGERS DU TERRITOIRE FRANÇAIS :
Intervenant en prison auprès des personnes étrangères incarcérées, je me suis souvent demandée comment la Police Aux Frontières était au courant de la date de sortie des prisonniers étrangers qui faisait l’objet d’une mesure d’expulsion ou de reconduite. Leur date de sortie change pourtant régulièrement, en fonction des remises ou non de peine par exemple.
Via cette circulaire du 21 janvier 2004, j’ai découvert que les choses s’expliquaient en fait simplement :
Les services pénitentiaires et les services du ministère de l’intérieur ont développé conjointement des procédures de communication des informations relatives aux étrangers détenus faisant l’objet d’une mesure d’éloignement du territoire, afin de permettre une mise en œuvre concrète de ces mesures.
Cependant, la communication ne fonctionnait pas vraiment et il a donc fallu solliciter davantage l’administration pénitentiaire :
Ainsi, dès 1995, ont été instituées des cellules régionales de coordination. Mais l’expérience a démontré que le niveau régional de coopération n’était pas toujours le plus adapté. C’est pourquoi, la circulaire du 18 mai 1999 a prévu l’élaboration au plan local de protocoles de fonctionnement déterminant le rôle respectif de chacun, les moyens et les objectifs à atteindre.
En dépit de ces améliorations, le taux de mise en œuvre des mesures apparaît insatisfaisant.
Dans le contexte d’une volonté clairement exprimée de maîtrise de l’immigration et de respect de la réglementation du séjour des étrangers en France, la direction de l’administration pénitentiaire et la direction générale de la police nationale se sont engagées mutuellement à renforcer l’échange d’informations entre leurs services.
Je [Didier Lallement, à l’époque, préfet et directeur de l’administration pénitentiaire] souhaite donc que les services de l’administration pénitentiaire contribuent pour leur part à la réalisation de cet objectif, dans le cadre des missions dont ils sont investis et dans le respect du droit en vigueur.
Pour le dire plus simplement,
Le greffe de la prison est dans l’obligation de signaler aux services du ministère de l’intérieur (aux préfectures) l’arrivée de toute personne de nationalité étrangère lors de la mise sous écrou et de l’enregistrement de l’identité de la personne.
Le greffe doit également préciser si une mesure d’éloignement judiciaire (une interdiction du territoire français comme peine complémentaire donc) a été prise à l’encontre de cette personne.
Si la personne n’a pas de mesure d’éloignement judiciaire, si la justice n’a pas estimé que le délit ou le crime commis par la personne devait être sanctionné par une interdiction du territoire français, il est tout de même possible que la préfecture signe une mesure de reconduite ou d’expulsion à l’encontre de cette personne.
D’où cette phrase dont le contenu reste ouvert :
Les fonctionnaires de la préfecture doivent pouvoir se faire communiquer la partie du dossier individuel des détenus étrangers faisant ou devant faire l’objet d’une mesure d’éloignement telle que prévue par les articles 724-1 et D. 167 du code de procédure pénale.
Concrètement bien sûr, la Police aux Frontières n’est pas à la sortie de la prison mais bien à l’intérieur de la prison. Cette même circulation réclame d’ailleurs que des locaux soient mis à disposition des services du ministère :
Doivent être également prévues les modalités de mise à disposition de locaux au sein des établissements pénitentiaires, afin de permettre l’identification des étrangers par les fonctionnaires de l’Identité judiciaire et les auditions des détenus étrangers par les fonctionnaires des services déconcentrés du ministère de l’intérieur.
Les auditions doivent avoir lieu dans un local permettant d’en garantir le bon déroulement et la confidentialité (art. D. 232 du CPP) ; elles peuvent dès lors être organisées dans les parloirs-avocats ou dans les bureaux d’audience au sein de la détention.
La personne étrangère faisant l’objet d’une mesure d’éloignement sera donc libérée puis interpellée dès la sortie de l’établissement pénitentiaire, emmenée dans un centre de rétention administrative où la procédure d’éloignement commence même si la personne a entrepris de faire un recours ; le recours n’étant pas suspensif. C’est-à-dire que le recours envoyé à la juridiction compétente ne suspend pas, n’empêche pas la mesure d’expulsion ou de reconduite.
Cette circulaire de 1999, modifiée en 2003, a donc bien pour objectif de faciliter la mise à exécution des mesures d’éloignement prononcées à l’encontre des personnes étrangères.
Voilà pourquoi la police aux frontières est dans la très grande majorité des cas présente le jour de la « sortie » de la personne…
En terminant ce billet, j’apprends que Monsieur B. est actuellement au Maroc.
Il devait sortir ce matin de la Maison d’Arrêt. Sa compagne et concubine de nationalité française, sa belle famille et un intervenant de La Cimade l’attendaient. Ils n’ont pas pu le voir, ont appris qu’il avait été emmené à l’aéroport.
Monsieur B. est sous le coup d’une interdiction du territoire français qui doit prendre fin au tout début du mois de décembre 2010.
Monsieur B. et sa compagne ont déposé une demande de mariage il y a presque un an. Sa compagne souhaite partir le rejoindre au Maroc pour se marier au Consulat de France. Cela risque d’être très difficile : le consulat de France au Maroc ne célèbre généralement que les mariages entre deux personnes françaises…