information


INFORMATION

 

LA DEMANDE D’ASILE :

DES SITUATIONS ADMINISTRATIVES COMPLEXES


En France, avant de faire une demande d’asile auprès de l’OFPRA, le demandeur d’asile doit préalablement solliciter une admission au séjour auprès des services de la préfecture.

1° LA PROCÉDURE dite NORMALE :

1) obtenir une domiciliation / une adresse stable afin de pouvoir recevoir son courrier.

2) se rendre à la préfecture du lieu de sa domiciliation afin de demander son admission au séjour au titre de l »asile.

3) au dos de ce premier document figure un prochain rendez-vous à la préfecture lors duquel sera délivrée une APS (Autorisation Provisoire au Séjour) de 1 mois et un dossier à remplir pour déposer sa demande à l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides. La famille a 21 jours à partir de la date de délivrance de l’APS pour déposer son dossier à l’OFPRA . La famille devient éligible en Centre d’Accueil pour Demandeur d’Asile (CADA).

5) Au dos de l’APS, figure un autre rendez-vous où la famille se verra délivrer un récépissé de 3 mois (renouvelable) attestant du dépôt d’une demandé d’asile.

6) Ce récépissé permet au demandeur d’asile d’ouvrir un compte à la Banque Postale en vue de percevoir l’ATA (Aide Temporaire d’Attente) délivrée par l’Etat (pôle emploi) d’un montant de 10,83 euros par jour et par adulte quelque soit la composition familiale (tarif depuis le 1er janvier 2011).

2° PROCEDURE dite DUBLIN (cf. règlement signé à Dublin le 18 février 2003) :

Ce règlement (CE) no 343/2003 du Conseil de l’Europe du 18 février 2003 établit les critères et mécanismes de détermination de l’État membre de l’UE qui sera responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers.

Pour résumer, ce règlement détermine quel pays sera responsable de la demande d’asile d’une personne (non : celui qui veut demander l’asile ne peut pas choisir le pays où il souhaite le faire). L’Etat responsable se détermine en particulier en fonction des liens familiaux et de l’entrée et du séjour de la personne.

 La personne recevra alors un « Laissez-Passer » valable 1 mois lui demandant de retourner dans le pays reconnu comme responsable ainsi que la date à laquelle prendra fin cette procédure.

—> A la fin du délai —> reprise des démarches pour solliciter l’asile.

3° PROCÉDURE dite PRIORITAIRE :

3 raisons peuvent entraîner cette procédure :

– le demandeur d’asile vient d’un pays sûr (ALBANIE – BENIN – BOSNIE-HERZEGOVINE – CAP-VERT – CROATIE – GHANA – INDE – KOSOVO – MALI (pour les hommes uniquement) – MACEDOINE (Ancienne République Yougoslave de)- MAURICE – MONGOLIE – SENEGAL – SERBIE – TANZANIE – UKRAINE)

– Le préfet juge que le demandeur d’asile constitue une menace pour l’ordre public

– le préfet estime que la demande d’asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d’asile… par exemple, demande d’asile faite en Centre de Rétention Administrative pour faire obstacle à une mesure d’éloignement.

Même en procédure prioritaire, la personne peut demander l’asile (droit fondamental) cependant la personne ne peut pas être admis au séjour par la préfecture (la personne n’a pas de récépissé).

La personne a un RDV en préfecture 15 jours après pour déposer son dossier. La préfecture transmet le dossier à l’OFPRA. L’OFPRA rend sa décision dans les 15 jours qui suivent l’entretien.

—> DÉCISION DE L’OFPRA:

1° positive : obtention du statut de réfugié / malgré de nombreuses embûches, la personne entre dans le droit commun et obtient une régularisation administrative (carte de résident de 10 ans)

2° rejet de l’OFPRA : la personne a un mois pour faire un recours auprès de la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile) – peut demander un avocat gratuitement au titre de l’Aide Juridictionnelle (pour résumer le montant minimum des ressources (salaires, loyers, rentes, retraites, etc.) pour bénéficier de l’Aide Juridictionnelle doit être inférieur à 929 euros – les prestations sociales n’entrent pas dans le calcul des ressources)

—> DÉCISION DE LA CNDA :

1° annulation de la décision de l’OFPRA : obtention du statut de réfugié / malgré de nombreuses embûches, la personne entre dans le droit commun et obtient une régularisation administrative (carte de résident de 10 ans)

2° rejet de la CNDA : possible de demander le réexamen (nécessité d’apporter des éléments nouveaux sur le fond et postérieurs à la précédente décision) ou de faire en recours, un pourvoi en cassation (sur le respect des règles de procédure et la correcte application du droit).

Remarque : Pour résumer, il y a deux types de protections différentes :

statut de réfugié (asile conventionnel ou asile constitutionnel) (carte de résident de 10 ans)

protection subsidiaire (valable un an – renouvelable en fonction de l’actualité des menaces dans le pays d’origine)

WEB DOCUMENTAIRE

 

 

LA MACHINE À EXPULSER

UN WEB DOCUMENTAIRE DE JULIE CHANSEL ET MICKAËL MITZ

Voici un web documentaire qui permet de bien comprendre le système, la procédure de la rétention administrative mais aussi de bien saisir le ressenti, l’humiliation et la peur de ceux qui vivent cette expérience de la rétention et de la menace de l’expulsion.

Avec Damien Nantes, Mickaël Garreau, Annette Hureaux de La Cimade ; Claire Rodier du GISTI ; Nicolas Fisher, chercheur à l’IRIS / EHESS et quelques témoignages de personnes concernées qui ont été confrontées à ce monde carcéral et ubuesque de la rétention.

schéma de la procédure

Il y a aujourd’hui en France métropolitaine et en outre-mer 25 centres de rétention administrative (CRA) ; onze d’entre eux sont habilités à enfermer des familles et des enfants. Des dizaines de milliers de personnes y sont enfermées chaque année, en vue d’être expulsées du territoire. Leur seul délit est de ne pas avoir de papiers. Ces lieux de privation de liberté, de plus en plus sécurisés, échappent à notre regard.

La Machine à expulser parle de ces hommes et de ces femmes qui « disparaissent », dont la vie bascule soudain, lors d’un contrôle d’identité. Placés en rétention administrative pour une durée maximale de 32 jours et bientôt de 45, ils deviennent des « retenus », avant d’être « reconduits à la frontière ».

Nous avons recueilli leurs paroles, entre deux rendez-vous devant un juge, dans l’anonymat de leur chambre du CRA, parfois à quelques heures d’être embarqués vers un pays que, pour la plupart, ils ne connaissent pas. Leur enfermement est double, dans un lieu et dans une procédure complexe. Ce sont eux qui subissent la « politique du chiffre », eux qui nourrissent les « objectifs chiffrés de reconduite à la frontière ».

Avec ce web documentaire, nous avons voulu décrypter « la rétention administrative des personnes en situation irrégulière », interroger l’instrumentalisation de l’étranger, expliciter un acharnement administratif, expliquer des lois de plus en plus répressives, déconstruire un discours politique. Il s’agit pour nous de révéler l’absurdité d’un système et ses conséquences humaines dramatiques. Nous voulons inviter chacun à y réfléchir.

INFORMATION


À L’OMBRE DES RETRAITES


Pour faire suite aux deux précédents billets de ce blog consacrés au travail pénal (Le travail pénal et La loi interdit le contrat de travail en prison), voici un article publié sur le site de l’OIP sur les droits à la retraite d’une personne qui a travaillé en prison.

À sa sortie de prison, T., 62 ans, s’enquiert de ses droits à la retraite, après avoir travaillé 21 ans au service général de plusieurs établissements pénitentiaires. En réponse à sa demande d’information, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) lui indique par courrier le montant brut mensuel de sa retraite : 22,40 euros à compter du 1er avril 2009 ou 129, 47 euros à compter du 1er janvier 2013. T. a choisi d’attendre ses 65 ans pour percevoir une « meilleure » retraite… Il a acquis 35 trimestres. Bien loin des 158 trimestres qui assurent un régime complet de retraite aux personnes nées, comme lui, en 1947. Certes, T. a travaillé exclusivement durant ses deux longues périodes de détention (1977 à 1990 – 1998 à 2007). De fait, il ne peut prétendre à une pension pleine en raison de son déficit d’annuités [1].

Est-ce suffisant pour justifier que 21 années de travail en prison permettent de valider seulement 35 trimestres ? Sur la même période, un salarié extra-muros n’aurait-il pas acquis 84 trimestres [2] ? Comment expliquer ce différentiel de 49 trimestres entre un travailleur captif et un employé lambda ? La réponse se trouve dans les fiches de paie des détenus.

Exclus du bénéfice de la protection du droit du travail et partant de la garantie du revenu minimum, ils gagnent – en théorie – 44% du Smic horaire [3]. Or, l’obtention d’un trimestre suppose d’atteindre une somme au moins égale à 200 fois le Smic horaire, soit 1772 euros en 2010. Vu les rémunérations des détenus, valider un trimestre par an en prison est déjà un tour de force. Valider deux trimestres relève de l’exception. À preuve, sur dix années d’incarcération, B. a acquis seulement… 13 trimestres. Âgée de 62 ans, cette ex-détenue pourrait percevoir aujourd’hui 118 euros/mois, calculée sur la base de 29 trimestres, dont un tiers obtenus sous écrou. B. préfère se tourner vers des minima sociaux (RSA jusqu’à ses 65 ans ou Allocation de solidarité aux personnes âgées [4]) plus avantageux. « Que voulez-vous que je fasse avec ça, c’est moins qu’un loyer ?! J’ai travaillé quasiment sans interruption, sauf la première année où j’étais en observation. Je ne m’attendais pas à avoir aussi peu », a-t-elle confié à l’OIP.

Alors que la réforme des retraites sera adoptée dans les prochaines semaines, les détenus ont, comme souvent, été écartés des débats. Pas de régimes spéciaux ou d’aménagements spécifiques les concernant. Les occurrences « prison », « détenus », « sortants de prison » « travail carcéral » n’apparaissent jamais dans le projet de loi, voté le 15 septembre dernier par l’Assemblée Nationale. En tête de la contestation de l’allongement de la durée de cotisation, les syndicats sont à la peine lorsqu’on les sollicite sur les travailleurs-détenus: « Je connais mal le sujet, il faudrait faire un travail de conviction en interne et se saisir un jour de cette question », admet Gérard Rodriguez, conseiller confédéral CGT en charge des retraites. À la CFDT, on ne trouve « personne pour répondre à ce sujet ».

Débattu début octobre au Sénat, le texte risque d’être entériné sans que cette question n’ait soulevée la moindre interrogation. À l’exception à ce jour du député PS Armand Jung, qui a tenté en octobre 2009 d’alerter l’exécutif en rappelant que le salaire perçu en prison ne « permet pas d’atteindre les trimestres de travail pris en compte dans le calcul des droits à la retraite » [5], malgré un taux de cotisation identique [6]. Hélas, dans sa réponse émise en mars 2010, le ministère du Travail laisse penser que la retraite des détenus ne pose pas question car « depuis le 1er janvier 1977 », ils sont « obligatoirement affiliés à l’assurance vieillesse du régime général ». Interrogé par l’OIP, Jean-René Lecerf (UMP), qui fut rapporteur du projet de loi pénitentiaire au Sénat, reconnait que « la retraite n’existe pas » aujourd’hui pour les détenus ayant travaillé longtemps en prison. « Pour eux, cette retraite et rien, c’est pareil », commente-t-il.

Des retraites qui reflètent la situation du travail carcéral qui est « loin d’être le nirvana, c’est le moins que l’on puisse dire ! », estime le sénateur du Nord. Dans ce contexte, pourquoi ne pas avoir intégré une réévaluation substantielle des rémunérations, lors des discussions préalables au vote de la loi le 24 novembre 2009 ? « On ne peut pas tout faire en même temps. Dans un premier temps, il faut développer quantitativement et qualitativement le travail. Il sera temps ensuite d’envisager des modalités de paiement du travail carcéral pour qu’il soit davantage comparable à ce qui se passe à l’extérieur ». En attendant une hypothétique réévaluation des salaires et/ou l’instauration de contrats aidés [7], la main d’œuvre carcérale est bradée et on le fait savoir : « Budget serré : ne bloquez pas vos projets, passez par la prison », lit-on sur le plateau d’un étonnant jeu de société promotionnel distribué aux entrepreneurs Rhône-Alpins par l’administration pénitentiaire.

Des travailleurs (et futurs retraités) sans droit

Miroir amplificateur, les retraites reflètent le parcours professionnel d’un salarié. En l’occurrence, le travailleur-détenu évolue dans une zone de non droit dont la pierre angulaire se niche dans l’article 717-3 du Code de procédure pénale. Lequel souligne expressément que « les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail » dans l’enceinte d’une prison. De fait, tous les droits attachés au contrat de travail disparaissent : pas de SMIC, pas d’indemnités chômage, de maladie ou d’accident du travail, pas de congés payés, ni de droit syndical. Un système totalement dérogatoire au droit commun qui permet aux entreprises de s’implanter en prison à moindre frais. Et de bénéficier notamment de taux de cotisations considérablement minorés (assurance maladie, maternité, vieillesse, accidents du travail). Un eldorado économique qui fait dire à certains que la prison est une délocalisation… à domicile ciblant un public captif rémunéré trois à à quatre moins qu’à l’extérieur.

Notes :

[1] [Les personnes nées en 1947 doivent comptabiliser 39,5 années]

[2] [Nombre de trimestres acquis par un salarié employé à temps plein sur 21 années]

[3] [Les détenus employés aux ateliers (travaux usinage et façonnage essentiellement) pour le compte de sous-traitants sont rémunérés sur la base – théorique – d’un seuil minium de rémunération (SMR) évalué à 3,90 brut de l’heure, soit 44% du SMIC, en 2009. La rémunération mensuelle moyenne aux ateliers est de 370 euros en 2009. Au service général (restauration, blanchisserie, nettoyage, cantine, etc.), la moyenne des rémunérations est de 233 euros. Le troisième régime de travail (SEP-RIEP) est le plus rémunérateur : 525 euros en moyenne. Cela concerne une minorité : environ 1000 détenus employés par l’AP pour des postes plus qualifiés (confection, menuiserie, informatique, numérisation d’archives audiovisuelles, etc.) réalisés majoritairement en centre de détention]

[4] [460, 09 euros pour le RSA. 708, 85 euros brut pour l’ASPA (montants pour une personne seule)]

[5] [Lire la question et la réponse à cette adresse : http://www.nosdeputes.fr/question/QE/623606]

[6] [6,65% pour la part salariale en 2010. Les détenus « classés » aux ateliers et au SEP-RIEP payent cette cotisation ; ceux affectés au service général en sont exemptés, l’AP ayant à sa charge la part salariale et patronale]

[7] [Les employeurs signataires de contrats aidés dans le secteur non marchand et marchand reçoivent des aides de l’État (subventions, exonérations de certaines cotisations sociales, aides à la formation, etc.), en échange de l’embauche (CDD de 6 à 24 mois maximum) d’un salarié éloigné de l’emploi]

—> Précédents billets : Le travail pénal et La loi interdit le contrat de travail en prison.

—> Le jeu de société promotionnel distribué aux entrepreneurs Rhône-Alpins par l’administration pénitentiaire (source : annexe 6 du livre de Gonzague Rambaud écrit en collaboration avec Nathalie Rohmer Le travail en prison, Enquête sur le business carcéral, Éditions Autrement, Collection Mutations, 2010.

INFORMATION


UNE EXPULSION ORDINAIRE EN FRANCE, ÉTÉ 2010


Voici une vidéo qui a beaucoup été diffusée via internet mais qui peut l’être davantage.

J’ai dans ce sens reçu plusieurs messages me suggérant ou me demandant de la mettre en ligne sur cet espace d’information.

PUBLICATION


LA LOI INTERDIT LE CONTRAT DE TRAVAIL EN PRISON


La loi interdit le contrat de travail en prison

Outre les faibles rémunérations, c’est l’absence de droits qui saute aux yeux lorsqu’on aborde la question du travail carcéral. La pierre angulaire de ce régime de travail totalement dérogatoire au droit commun se niche dans l’article 717-3 du Code de procédure pénale. Ce dernier dispose expressément que « les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail ». En conséquence, le détenu n’est pas un salarié de l’entreprise pour laquelle il travaille. En sus des rémunération trois à quatre fois inférieures au Smic, l’absence de contrat de travail permet aussi aux entreprises de s’affranchir des taux de droits communs en bénéficiant de taux considérablement minorés (assurance maladie, maternité, vieillesse, accidents de travail). Pas de paperasse non plus : ce sont les établissements pénitentiaires qui se chargent de reverser les cotisations aux organismes de recouvrement. « On est une agence intérim à coût réduit pour les entreprises », résume Dominique Orsini, responsable du travail à la DISP [Direction Interrégionale des Services Pénitentiaires] de Paris. Pour un poste faiblement qualifié à l’extérieur, « les entreprises payent le Smic (soit 8,82 euros bruts de l’heure au 1er septembre 2009), plus de 50 à 60 % de charges, alors qu’en établissement pénitentiaire, elles payent le seuil minimum de rémunération (SMR), soit 3,90 euros bruts en 2009« , plus une redevance forfaitaire qui varie de 10 à 20 % en application à une loi de… 1955 ». Un coût réduit qui s’explique aussi par le fait que les entreprises et l’AP [Administration Pénitentiaire] sont dispensées des cotisations assurance chômage et retraites complémentaires. En effet, les détenus ne bénéficient pas de l’assurance chômage : l’indemnisation chômage des prisonniers est suspendue à partir du 1er jour d’incarcération et jusqu’au premier jour de leur libération. « Le plus dommageable, c’est que l’activité des détenus en prison n’ouvre aucun droit au chômage à la sortie« , estime Marie Bruffaerts, responsable du travail à la DISP de Bordeaux, qui ne ménage pas ses efforts pour tenter de faire venir des travaux qualifiants dans les prisons dont elle a la charge. Autre particularité des travailleurs de l’ombre : en cas d’arrêt maladie ou d’accident de travail, ils ne perçoivent aucune prestation en espèces durant la période où ils sont éloignés de leur poste de travail. Exit aussi les congés payés, argument commercial repris à bon compte par l’AP et les concessionnaires, qui n’hésitent pas à rappeler, dans leurs brochures et dans les salons professionnels dédiés à la sous-traitance industrielle, qu’ils disposent d' »une main-d’oeuvre disponible douze mois sur douze ».

Le droit syndical et toute autre forme d’expression sont également exclus. L’idée même que des détenus puissent s’exprimer suscitera la raillerie de l’ancienne garde des Sceaux, Rachida Dati, lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire au Sénat : « Sur le plan pratique, comment organiser une consultation collective ? Il faudrait élire des représentants de détenus ! » Sur la question syndicale, Laurent Ridel, numéro deux de l’AP, n’hésite pas à tomber dans le sensationnel et le pathos : « Il y a, sur ce sujet, une vraie question, que je pose en étant volontairement provocateur : est-ce qu’un syndicat serait prêt à accepter Fofana, le chef de gang des barbares, dans ses rangs ? » Prenant de la hauteur, le sociologue Fabrice Guilbaud estime quant à lui, que « la peine de prison est politique au sens où elle prive les individus de leur capacité d’agir ensemble […]. En soi, il s’agit d’une violence ».

—> Ce texte est extrait du livre de Gonzague Rambaud écrit en collaboration avec Nathalie Rohmer.

—> 4ème de couverture :

Où peut-on rémunérer légalement des salariés 3 euros de l’heure ?

En Roumanie ? En Chine ? Non, nul besoin de délocaliser : il suffit de solliciter les ateliers pénitentiaires, où des détenus travaillent pour des sous-traitants de grandes entreprises françaises (L’Oréal, Bouygues, EADS, Yves Rocher, BIC, etc.). D’autres, à l’instar de Sodexo et de GDF Suez, cogèrent une trentaine de prisons françaises au travers de leurs filiales respectives (Siges, Gepsa). En interrogeant des multinationales, des PME et des TPE, ce livre explore une zone économique méconnue.

Quelles sont les réalités et les conditions du travail en prison ? Les détenus qui acceptent de travailler peuvent-ils être libérés plus vite ? Les activités rémunérées en prison facilitent-elles réellement, ou seulement en théorie, la réinsertion ? Autant de nœuds et de questions qui sont ici examinés et dénoués.

À travers une enquête minutieuse, nourrie d’entretiens avec tous les acteurs – détenus, surveillants, Administration pénitentiaire, chefs d’entreprise, hommes politiques et magistrats -, cet ouvrage propose une véritable plongée au cœur de l’univers carcéral et de la question complexe du travail en prison …


Gonzague RAMBAUD en collaboration avec Nathalie ROHMER, Le travail en prison, Enquête sur le business carcéral, Éditions Autrement, Collection Mutations, 2010.


—> Nous pouvons aussi rappeler que si les rémunérations sont trois à quatre fois inférieures au Smic, les aliments cantinés en prison coûtent en moyenne 27 % plus cher que dans un supermarché.

Page suivante »