LÉGISLATION
À PROPOS DU DISCOURS D’ÉRIC BESSON PRONONCÉ JEUDI 5 FÉVRIER 2009
Le 5 février 2009, Eric Besson, Ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, a prononcé un discours à la préfecture de police de Paris pour présenter son dernier projet : une circulaire (N° IMIM0900054C) incitant les clandestins à dénoncer leurs passeurs en échange d’un titre de séjour provisoire.
Vous pouvez à ce propos lire l’entretien de Smaïn Laacher pour le journal Le Monde :
« Les clandestins sont-ils forcément des « victimes » de trafic, comme l’a dit le ministre de l’immigration ?
Tout dépend de la définition que l’on donne de la victime. Un clandestin qui paie un passeur pour l’emmener jusqu’à la destination choisie et qui est guidé sans violence et sans embûches majeurs est-il une victime ? Probablement pas. Ni du point de vue du passeur, ni du point de vue du clandestin. Un étranger qui au milieu du voyage se fait escroquer par son passeur, ou une femme qui se fait violer par un passeur ou un compagnon de voyage est-elle une victime ? Oui, sans aucun doute. Gardons par ailleurs à l’esprit qu’un clandestin peut devenir un jour un passeur, puis plus tard avoir lui-même besoin d’un passeur. Il peut y avoir une réelle complicité, et dans une certaine mesure une dépendance, entre le passeur et son passager ». (extrait)
Et pour compléter cet entretien, je me permets de vous renvoyer vers un témoignage qui exprime parfaitement la complexité des situations que vivent les migrants, les passeurs… Parfois, comme le rappelle S. Laacher, ce sont les mêmes… Complexité donc, dont aucune circulaire ne pourra jamais rendre compte.
Merci à Lily, volontaire en Angleterre dans le cadre d’un programme autour des droits des étrangers, pour son travail et pour la retranscription de ce témoignage.
Lily pose à mon sens une question pertinente :
On en parle beaucoup, on les connait peu. Sans une lecture critique des médias, les passeurs sembleraient être les seuls responsables de la venue de millier de gens en Europe. Leur « fonction » est souvent associée aux mots exploitation, esclavage moderne, profit, sans scrupule, faiseurs d’illusion, racket, viol… On a oublié que fut un temps le passeur de juifs ou de résistants sauvait des vies en leur permettant de se mettre à l’abri. Étant donné les obstacles de plus en plus nombreux sur le chemin de l’exil, est-ce si surprenant que les demandeurs d’asile aient fait renaître le passeur ? Et ne peut-il y en avoir de plus régulier que d’autre ? L’un d’entre eux témoigne…
Puis, elle cède sa parole :
Je suis érythréen, j’ai 28 ans, je suis l’aîné d’une famille de 10 enfants. Depuis que j’avais quitté l’école, j’étais soldat. Le service national dans mon pays est obligatoire pour tout le monde, homme comme femme. On nous dit au départ que c’est pour 18 mois avec l’entraînement compris, mais en fait on est mobilisé indéfiniment. On n’a pas le choix, sinon c’est la prison.
[…]
[…]
Quand j’ai pris la décision de partir – ça a pas été facile, j’y ai pensé longtemps – c’était ça ou mourir. Je savais que si je me faisais attraper, si les gens de mon gouvernement comprenaient que je voulais m’enfuir, j’aurais droit à au moins 3 ans de prison et je serais torturé pour donner les autres ou parce que je serais considéré comme traître de mèche avec les ennemis du parti.
Je savais que ça allait être dur et incertain car personne ne pouvait m’aider en me payant le voyage, je suis le seul de ma famille à être parti.
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