PUBLICATION

LE GROUPE D’INFORMATION SUR LES PRISONS, UN NOUVEL AGIR POLITIQUE (3)

Après un deuxième billet sur « Qu’est-ce que le Groupe d’Information sur les Prisons ? », voici le troisième temps de cette réflexion :

(3)

QUELS SONT LES OBJECTIFS

DU GROUPE D’INFORMATION SUR LES PRISONS ?

Nous l’avons dit : le GIP est un collectif qui transmet l’information en donnant la parole aux intéressés. Or, informer pour le GIP, c’est dire l’intolérable.

Intolérable est un terme récurrent dans la lutte engagée par le GIP.

Intolérable est le titre choisi pour les quatre publications du GIP :

Le terme INTOLÉRABLE désigne à la fois les conditions objectives de détention : la promiscuité, l’insalubrité, le manque de soins médicaux, l’absence de vie privée, les sévices, la censure, etc.

Mais plus encore, INTOLÉRABLE définit la réaction subjective que provoque l’expérience de ces conditions déplorables de détention ; que l’on soit directement confrontés à elle, étant prisonnier, ou que l’on en soit le simple témoin observateur.

INTOLÉRABLE indique donc à la fois le constat de la situation (ce sont des conditions intolérables) et la dynamique de l’action (je ne peux les tolérer). Et c’est le ressenti de cet intolérable qui provoque l’action.

Sont intolérables : les tribunaux, les flics, les hôpitaux, les asiles, les écoles, le service militaire, la presse, la télé, l’Etat et d’abord les prisons.

Intolérable 1, Enquête dans 2O prisons

Brochure publiée en mai 1971 aux éditions Champ Libre.


Un questionnaire est distribué aux prisonniers de février à avril 1971 grâce aux familles des détenus lors des visites aux parloirs. Les réponses apportées par les prisonniers sont alarmantes. Promiscuité, insalubrité et arbitraire des surveillants sont les principaux « inacceptables » relatés dans ces témoignages. Deux questionnaires sont retranscrits intégralement : un provenant d’un prisonnier de la Santé à Paris et un autre d’une prison de province dont la ville n’est pas spécifiée. Ensuite sont énoncées les réponses les plus caractéristiques. Elles proviennent de divers établissements : Fresnes, Douai, Saint Malo, Toul, Caen, Gradignan, La Santé, Toulouse, La Roquette, Épinal, Metz, Fleury-Mérogis, Nîmes, Saint-Nazaire, Rennes, Avignon, Loos, Poissy, Dijon, Montbéliard, Besançon. Vingt et une prisons sont investies.

Intolérable 2, enquête dans une prison modèle : Fleury-Merogis

Brochure publiée en juin 1971 aux éditions Champ Libre.

Fleury-Mérogis, la prison la plus moderne de France.
Fleury-Mérogis, la plus vaste prison de France.
Assez vaste pour que toute la jeunesse de Paris et de la banlieue, depuis 68, y défile. Assez vaste pour que les juges y dirigent des fournées de jeunes de plus en plus nombreuses. Elle a ouvert leur appétit, elle ne suffit pas à leur frénésie de justice. En été, le nombre décroît, la police est partie en vacances.
Si tu as de 18 à 21 ans, si tu es de la banlieue ou de Paris, c’est à Fleury que tu iras, au bâtiment D2, au bâtiment D4.

Intolérable 3, L’assassinat de George Jackson

Brochure publiée en novembre 1971 aux éditions Gallimard.

La mort de George Jackson n’est pas un accident de prison. C’est un assassinat politique.
En Amérique, l’assassinat a été et demeure aujourd’hui un mode d’action politique.
Cette brochure ne prétend pas faire la lumière sur les événements du 21 août 1971 à la prison de San Quentin : pour l’instant du moins, ils sont hors de notre portée. Nous avons voulu répondre seulement à deux questions :

1° Quel était donc ce vivant qu’on a voulu tuer ? Quelle menace portait-il, lui qui ne portait que des chaînes ?

2° Et pourquoi a-t-on voulu tuer cette mort, l’étouffer sous les mensonges ? Que pouvait-on encore redouter d’elle ?

Intolérable 4, suicides DE prison

Brochure rédigée en avril 1972 et publiée en février 1973 aux éditions Gallimard.

Cette brochure est attribuée à Daniel Defert et Gilles Deleuze. Co-signée avec le Comité d’Action des Prisonniers (C.A.P.) et l’Association de Défense des Droits des Détenus (A.D.D.D.), elle annonce la fin du GIP et la mise en place d’un relais assuré en partie par les prisonniers eux-mêmes.
Suicides de prison regroupe la liste des 37 suicides connus du GIP dans les prisons françaises en 1972 ; des lettres de H.M. (Gérard Grandmontagne suicidé le 25 septembre 1972) ; un commentaire sur ces lettres ; cinq documents relatifs à des suicides ; un entretien avec le Docteur Fully, inspecteur de la médecine pénitentiaire et un exemple de plainte déposée par l’ADDD.

—> Le combat du GIP consiste donc à DIRE L’INTOLÉRABLE : son principe premier est un principe d’information.

L’objectif de la première brochure est de dire l’intolérable du quotidien.

Un questionnaire est distribué grâce aux familles et amis des détenus lors des visites aux parloirs. Au regard des différentes réponses, le constat est celui d’une hétérogénéité des conditions de détention. Mais dans chaque établissement, quelque chose persiste : les réponses des prisonniers sont alarmantes, les conditions de détention sont dénoncées par les détenus comme étant inacceptables, parce qu’INTOLÉRABLES.

Si le Groupe cherche à faire savoir ce qu’est la prison, il souhaite également désigner qui y va, comment et pourquoi on y va. Le GIP veut donc informer sur le quotidien des détenus mais également sur les processus qui conduisent en prison. L’information doit donc aller au delà des simples conditions pénitentiaires pour dire les mécanismes qu’exerce la justice.

Le GIP souhaite donc aussi dire l’intolérable au delà du pénitentiaire.

Le GIP critique non seulement le champ technique du pouvoir judiciaire mais aussi le champ symbolique du pénal qui investit le système : à savoir le partage binaire entre innocents et coupables. L’image du délinquant créé a contrario celle de l’honnête homme.

De plus, la justice, par les délits qu’elle sanctionne, touche une certaine partie de la population. Le GIP rappelle également que l’avocat est rémunéré, en d’autres termes, que le droit de recevoir une justice se paye. Le GIP s’attaque aussi au quadrillage policier qui se resserre de plus en plus sur une partie de la population volontairement exclue. Le GIP mène également une grande campagne pour l’abolition du casier judiciaire qui contredit la fonction affichée de réinsertion, réduit au chômage et conduit à la récidive. Etc.

—> Le principe d’information caractéristique de l’action du GIP passe aussi par un travail critique.

En résumé, pour le GIP, l’information est une lutte…


Texte du GIP rédigé par Daniel Defert, publié dans La Cause du peuple-J’accuse le 25 mai 1971.
(double page, page 1)


Texte du GIP rédigé par Daniel Defert, publié dans La Cause du peuple-J’accuse le 25 mai 1971.
(double page, page 2)

—> Les archives du GIP se trouvent à l’Abbaye des Ardennes et une grande partie dans le formidable livre de Philippe Artières, Laurent Quéro et Michelle Zancarini-Fournel :

—> Les archives du Comité d’Action des Prisonniers se trouvent à la Bdic de Nanterre.

—> Les archives de l’Association de Défense des Droits des Détenus se trouvent à l’Abbaye des Ardennes.

—> À venir : LE GROUPE D’INFORMATION SUR LES PRISONS (4) : Quelles sont les modalités d’action du GIP ?