PUBLICATION
LE GROUPE D’INFORMATION SUR LES PRISONS, UN NOUVEL AGIR POLITIQUE (2)



Après un premier billet sur « L’émergence du Groupe d’Information sur les Prisons », voici un deuxième moment sur :

(2)
QU’EST-CE QUE LE GROUPE D’INFORMATION SUR LES PRISONS ?
Si le Manifeste est signé par trois intellectuels (Michel Foucault, Jean-Marie Domenach et Pierre Vidal-Naquet), ce Groupe d’information est avant tout un collectif anonyme. S’il s’est d’abord constitué autour de quelques figures (les signataires ou encore Gilles Deleuze, Danielle Rancière, Daniel Defert, Jacques Donzelot…), il n’est en aucun cas une association d’intellectuels.

Le GIP est un groupe pluriel, polymorphe et hétéroclite. Il se compose aussi bien d’intellectuels, de magistrats, de journalistes, d’aumôniers, de médecins et, condition même d’existence du GIP, de détenus, ex-détenus et familles de détenus.

Le GIP existe aussi bien à Paris qu’en province. Et les comités régionaux ne sont pas sous le contrôle du GIP parisien. Chaque groupe local agit selon les moyens qu’il se donne. Le GIP est donc une mobilisation horizontale et, en aucun cas, une organisation hiérarchisée fonctionnant de manière verticale. Il n’existe pas au GIP d’organe central ni de figure symbolique. Le GIP n’est pas une association : il n’a pas d’adhérents mais des militants. Le GIP n’a pas de charte, pas de statuts.

Le GIP est avant tout un lieu de réunion.


Après une manifestation le 17 janvier 1972 dans les locaux de l’Agence Presse Libération. Le but de l’APL, fondée par Maurice Clavel, est de transmettre des informations que l’on ne trouve pas dans les autres journaux et de préserver son indépendance.
Photographie d’Élie Kagan.

Mais les premières réunions ont lieu devant les prisons, avec les familles et amis de détenus, dans les files d’attente pour les visites… Ensuite, pour mobiliser l’opinion, les militants du GIP se déplacent également dans les cités dites populaires, dans les supermarchés, sur les marchés, dans tous les lieux publics susceptibles de permettre de transmettre l’information : informer sur l’existence du GIP et la lutte des prisonniers et discuter des actions à venir ou des actions possibles.

Le GIP organise aussi de grandes réunions publiques, des manifestations…


Manifestation du 17 janvier 1972 devant la Chancellerie. Photographie d’Élie Kagan.

« Le but de cette manifestation est de pénétrer dans le ministère de la Justice et d’aller faire une sorte de conférence de presse dans la cour, sous les fenêtres mêmes du ministre pour lui apporter une partie des remous que suscite la répression brutale dans ses prisons »,
raconte Alain Jaubert, journaliste présent.
Entre autres, Michel Foucault lira la Déclaration des prisonniers de la Centrale de Melun qui affirme que « la réinsertion sociale des prisonniers ne saurait être que l’oeuvre des prisonniers eux-mêmes ».

Voir à propos de cette journée, l’ouvrage Michel Foucault, une journée particulière, photographies d’Élie Kagan et textes d’Alain Jaubert et de Philippe Artières, Editions Ædelsa, 2004.



Le GIP organise aussi des meetings…


Tract appelant à un meeting à Toulouse en décembre 1971.

Le GIP a entrepris d’informer sur les mouvements de prisonniers qui se déroulent à l’étranger, notamment aux États-Unis et en Italie. Par exemple, la troisième brochure publiée par le GIP, Intolérable 3, est une enquête sur la mort suspecte de George Jackson à la prison de San Quentin le 21 août 1971. Le GIP aimerait internationnaliser la lutte.
L’important pour le GIP est de transmettre l’information sur ce qu’il se passe en prison mais l’essentiel également est que l’information soit transmise par les intéressés (à savoir les détenus, les ex-détenus, les familles et amis de détenus, les travailleurs en prison ou encore les magistrats).

Qu’est- ce que le GIP donc ?
Le GIP désigne avant tout un nouveau type de mobilisation qui, par son type de recrutement et ses pratiques spécifiques, bouscule les normes de l’engagement politique traditionnel : pas d’unité idéologique, pas de directives politiques. Le GIP veut « faire tomber les barrières indispensables au pouvoir » en mélangeant les acteurs sociaux, en rassemblant détenus, avocats et magistrats. Le GIP veut faire fonctionner la transversalité des savoirs en brisant le « jeu des hiérarchies sociales ».

—> Les archives du GIP se trouvent à l’Abbaye des Ardennes et une grande partie dans le formidable livre de Philippe Artières, Laurent Quéro et Michelle Zancarini-Fournel :



—> À venir : LE GROUPE D’INFORMATION SUR LES PRISONS (3) : Quels sont les objectifs du GIP ?
PUBLICATION

LA FABRICATION DE L’INDIVIDU



En novembre 2006, j’ai eu l’occasion d’organiser une journée d’étude sur « Michel Foucault et la psychiatrie » au Centre hospitalier Philippe Pinel d’Amiens grâce au soutien de mon équipe doctorale et à l’ICSMP.
Le public de cette journée était composé de quelques étudiants mais surtout de praticiens. Cette rencontre a pu faire l’objet d’une publication.

Mon intervention portait sur la notion d’individu chez Foucault. Tâche loin d’être aisée car Foucault n’a pas véritablement défini précisément la notion d’individu. Il peut employer le terme « individu » et « sujet » comme des synonymes. Pourtant, j’aime à considérer deux moments chez Foucault… deux moments où nous arrivons à saisir un début de conceptualisation…
Dans Surveiller et punir où il écrit précisément :
L’individu est une réalité historique fabriquée par cette technologie spécifique de pouvoir qu’on appelle la « discipline ».
Et dans un cours au Collège de France sur Le pouvoir psychiatrique, celui du 21 novembre 1973, où il définit l’individu comme :
le résultat de […] toutes ces procédures qui épinglent le pouvoir politique sur le corps. C’est parce que le corps a été « subjectivisé », c’est-à-dire que la fonction-sujet s’est fixé sur lui, c’est parce qu’il a été psychologisé, parce qu’il a été normalisé ; c’est à cause de cela que quelque chose comme l’individu est apparu, à propos de quoi on peut parler, ou tenir des discours, [à propos de quoi] on peut essayer de fonder des sciences.
L’individu est donc bien une création disciplinaire, un sujet psychologisé.
Mon intérêt, en tout cas, s’est porté sur cela…

Voici le résumé de mon intervention ce jour là.

Dans Surveiller et Punir, l’objectif de Michel Foucault est sans ambiguïté : il s’agit de déceler une nouvelle « microphysique » du pouvoir, commune aux diverses institutions singulières.
Cet article prendra pour point de départ la réforme Amor (1945). Cet exemple permettra d’illustrer le jeu de relations qui s’établit entre le pénal et le médical. Mais pour comprendre précisément ce mécanisme, nous analyserons le pouvoir disciplinaire comme pouvoir d’individualisation, avec, à l’esprit, une définition précise : l’individu chez Foucault ne fait pas référence au schéma habituel qui oppose l’individu à la collectivité. L’individu n’est pas plus un citoyen qui se serait forgé une identité au sein de la société. L’individu est une production historique. Il est certes une réalité mais inventée par la discipline.

—> vous pouvez aussi télécharger l’article dans son intégralité.
ÉVÉNEMENT



FESTIVAL MIGRANT SCÈNE ORGANISÉE PAR LA CIMADE

Quand les États sont en crise, les étrangers, accusés de tous les maux, voient leurs droits restreints, leur dignité remise en cause. Pourtant l’expérience migratoire, à l’intersection de l’intime et du collectif, forge et alimente nos sociétés. Elle est au coeur de ce que nous sommes, de nos identités multiples et plurielles. La Cimade, créée en 1939 pour venir en aide aux populations déplacées par la guerre, est une association de solidarité active avec les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile. Avec ses partenaires à l’international et dans le cadre de ses actions en France et en Europe, elle agit pour le respect des droits et la dignité des personnes. Pour provoquer la rencontre et le dialogue, mais aussi pour fêter les migrations, La Cimade présente pour la troisième année migrant’scène, festival culturel sur les migrations qui aura lieu du 15 au 30 novembre 2008, dans une quinzaine de villes en France.

cette année :
MOUVEMENTÉES, LES FEMMES MIGRANTES ONT LA PAROLE



On compte plus de 200 millions de migrants dans le monde…. et presque la moitié sont des femmes. La migration féminine vit une révolution silencieuse. Les femmes ne migrent plus seulement pour rejoindre leur famille. Elles se déplacent pour travailler, quitter un contexte politique ou social, étudier, élargir leurs horizons. Nombreuses sont celles qui partent, dans leur région d’origine ou en changeant de continent, pour pourvoir aux besoins économiques de leur famille. Elles se déplacent, donc, comme les hommes. Et pourtant, aux différentes étapes de leur parcours, sur la route, ici et là-bas, elles sont confrontées à des difficultés particulières, du fait de la nature des rapports entre hommes et femmes. Parce qu’elles sont femmes et étrangères, ces femmes sont placées en position défavorable. Et cependant, elles combattent, assument de lourdes responsabilités, relèvent de nombreux défis. Nous avons choisi, pour l’édition 2008 du festival de donner à entendre les récits de ces reines sans couronne. Pour donner corps à ces histoires, le festival fera se rencontrer et se croiser des témoignages, des débats et des formes artistiques plurielles.

—> Marraine de l’événement : Madjiguène Cissé

Madjiguène Cissé en 1997 pour le premier film des Cinéastes pour les sans-papiers.

À Saint-Bernard, en 1996, on l’appelait la « sans-papière ». Avec d’autres, elle occupait l’Eglise et se battait pour la construction du mouvement des sans-papiers. On lui a proposé une régularisation individuelle. Elle a refusé et est repartie au Sénégal. Elle y a fondé le réseau des femmes pour le développement durable en Afrique (REFDAF) qui lutte pour l’autonomie sociale et économique des femmes sénégalaises. Madjiguène sait établir du lien. Entre l’Europe et l’Afrique. Mais aussi entre des combats qui souvent paraissent dissociés. Elle défend avec la même force l’égalité des droits entre hommes et femmes qu’entre étrangers et autochtones. Elle se bat pour le développement des pays africains et l’invention, en Europe, d’une véritable politique d’hospitalité. Marraine du festival, Madjiguène sera présente en France pendant toute sa durée et interviendra à Paris, Marseille, Aurillac, Toulouse, Dijon, Besançon et Nantes.

—> retrouvez toutes les informations sur le site migrantscene.org… Entre autres, la programmation en Ile-de-France, à Paris et ailleurs en France (région sud-ouest, région centre, Dijon).
RAPPORT

LA SITUATION DES ROMS EN FRANCE
RAPPORT ROMEUROPE 2008




LA COMMUNAUTÉ ROM

On entend par Roms migrants en France les personnes vivant sur le territoire national, venant essentiellement des pays d’Europe centrale et orientale (PECO) et se reconnaissant comme Roms. Ces derniers sont estimés au total à une dizaine de milliers de personnes présentes de façon à peu près constante sur l’ensemble du territoire national. Cependant, à la suite de l’élargissement de l’Union européenne (UE), il convient de distinguer la situation des Roms selon qu’ils viennent d’un pays membre de l’Union européenne (les plus nombreux viennent de Roumanie et ensuite de Bulgarie) ou d’un pays hors Union européenne. [RAPPORT Romeurope 2007-2008]

Par exemple, les Roms de Serbie ou du Kosovo n’appartiennent pas à l’union européenne.
En France, ils auront donc le statut de réfugiés et au regard du nombre de demandes d’asile acceptées, ils seront bien vite dans une situation de non-droit.
Beaucoup de Roms viennent de Roumanie, parfois de Bulgarie.
Ces deux pays sont en phase de transition d’adhésion à l’Union Européenne (membres depuis janvier 2007) : les Roms de Roumanie et de Bulgarie sont reconnus comme des européens et sont libres de circuler. Cependant, ils ne peuvent travailler comme ils le désirent : ils ne sont autorisés à exercer un emploi que dans une liste de 150 métiers.

LE DROIT AU TRAVAIL

Il reste en effet encore bien des barrages dans la procédure d’autorisation de travail pour limiter en pratique l’accès des Européens à ces cent cinquante métiers :
- la liste des pièces à fournir par les employeurs est à elle seule très contraignante voire dissuasive ;
- la durée de la procédure d’autorisation de travail, qui s’étale au minimum sur trois mois, a de quoi décourager même les employeurs de bonne volonté ;
- le niveau de rémunération minimal au SMIC exclut dans la majorité des cas les temps partiels ;
- la redevance prélevée par l’ANAEM s’élève au minimum à 893 €, somme bien difficile à réunir notamment dans le cas de petites entreprises. Cette redevance constitue en théorie une contribution des employeurs aux frais engagés par l’administration pour faire venir en France des travailleurs étrangers ou aux frais liés au changement de statut d’un étranger embauché sur place en France qui obtient une autorisation de travail pour la première fois. Or, dans le cas des communautaires déjà présents en France, aucun service n’est rendu par l’ANAEM ; d’ailleurs, le décret concernant cette taxe a été modifié en 1994 pour préciser que, si le travailleur recruté est ressortissant d’un État membre de la Communauté européenne, la taxe n’est pas exigible. Elle est pourtant toujours exigée.

L’ÉTAT DE SANTÉ de cette communauté est également alarmant : la durée de vie de ces personnes est inférieure de 10 ans par rapport à la moyenne nationale des pays où elles ont décidé de s’installer.

Il n’y a cependant pas de pathologies spécifiques aux Roms, en dépit de ce que certains souhaiteraient parfois entendre dire ! Toutes les pathologies rencontrées sont la conséquence des facteurs énumérés ci-dessus. Ainsi :
- la tuberculose est très fréquente, comme pour l’ensemble des populations migrantes et/ou sans abri. L’organisation d’un dépistage ressemble trop souvent à un parcours du combattant ;
- toutes les maladies infectieuses sont favorisées ou aggravées ;
- les problèmes psychologiques ne sont que trop rarement pris en charge et pourtant très présents en raison du stress permanent dans lequel vivent les personnes et de leur désarroi d’exilés dans un pays qui ne les accueille pas ;
- l’obésité, les maladies métaboliques liées au déséquilibre alimentaire sont fréquentes ;
- la santé materno-infantile est particulièrement préoccupante : grossesses multiples et non suivies, souvent chez de très jeunes femmes voire des adolescentes, IVG à répétition…

LE DROIT AU SEJOUR

Si les personnes enfreignent la législation sur le droit du travail, constituent une menace pour l’ordre public ou « une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale français« . Dans les deux premières situations, des APRF (arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière) peuvent être pris à l’encontre des ressortissants roumains et bulgares, le troisième motif pouvant être invoqué pour justifier une OQTF (obligation de quitter le territoire français). L’intéressé a quarante-huit heures dans le cas d’un APRF et un mois dans le cas d’une OQTF pour déposer un recours ou quitter le territoire. Il peut le faire en franchissant n’importe quelle frontière et revenir ensuite sans autre restriction. Mais s’il n’a pas fait une de ces démarches, il peut, après un mois, être arrêté, placé en centre de rétention et renvoyé immédiatement. [RAPPORT Romeurope 2007-2008]



De même, les « demandes d’aide au retour humanitaire » sont souvent signées sous la menace et/ou en absence d’interprète.
Il est parfaitement clair que cette population est indésirée en France. Les maires usent par exemple de stratégies diverses pour dissuader ou empêcher les Roms de s’installer dans leur commune ou pour les en expulser. Les Roms sont rejetés, soumis à des discriminations et stigmatisés par un ensemble de clichés.


Extrait d’une lettre d’Albert Vatinet, maire de Bormes-les-Mimosas, à ses « collègues ».

Les informations rassemblées par les associations et comités de soutien membres de Romeurope qui accompagnent au quotidien les familles roms témoignent de l’ensemble des violations des droits à leur encontre, y compris pour ceux d’entre eux qui ont accédé à la citoyenneté européenne en janvier 2007. [RAPPORT Romeurope 2007-2008]



ET L’EUROPE ?

Devons-nous avoir davantage confiance dans les mesures et décisions européennes ?
Suite au rapport de la Commission Européenne sur « Les instruments et politiques communautaires en faveur de l’intégration des Roms« datant de juillet 2008, un premier sommet de l’Union Européenne a eu lieu le 16 septembre à Bruxelles, un second est prévu pour le mois de décembre. A suivre donc…




DROIT AU SÉJOUR, DROIT AU TRAVAIL, ACCÈS AUX PRESTATIONS SOCIALES, AU SYSTÊME DE SANTÉ, À L’ÉDUCATION ou AU LOGEMENT…

—> vous pouvez retrouver en détail toutes ces questions dans le dernier RAPPORT de l’association Romeurope publié en septembre 2008 et qui relate les discriminations subies par cette communauté, quotidiennement, en France.
—> vous pouvez lire également les propositions faites par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme.
—> vous pouvez consulter le site Rencontres Tsiganes qui fournit de nombreuses informations sur le quotidien de ces migrants.
—> enfin vous pouvez lire cet intéressant dossier de plusieurs articles publié sur le site cafebabel.com.